J’ai eu peu d’intuitions géniales dans ma vie. De grands moments réfléchis, oui, des intuitions fausse ou des élans idiots, aussi. Mais cette sensation d’être mû de façon pertinente par mon inconscient, m’est rarement arrivée. Lancer Tempérance en plein deuil est une de ces clairvoyances dont je suis fier (un jour, il faudrait que j’en fasse la liste).
Parfois, je suis indécis par crainte de manquer une opportunité. Le reste du temps, je suis comme tout un chacun, aveuglé par le voile du présent qui masque l’avenir, je m’en remets au hasard. J’oscille alors entre deux états banals : l’indécision ou l’inconscience.
J’ai fini par penser que la vie avait plus décidé de mon sort que moi-même. C’est une phrase que mon père a longtemps répété, sans que je la comprenne. Je la cite maintenant d’expérience, pas par mimétisme. J’ai pourtant tellement haï cette formule, enfant, quand il disait « On ne choisit pas dans la vie ». Je trouvais que c’était une phrase de soumis défaitiste. Maintenant, je vois que le hasard peut aussi être une chance et qu’il ne parlait peut-être pas que de l’aspect négatif. De toute façon, je l’ai admis, il faut composer avec ce que la vie nous donne. Je me retrouve avec les mots de mon père en bouche. Je nuance seulement la formule : On ne choisit pas toujours dans la vie, parfois seulement.
Et cette fois, j’ai fait le bon choix. Du fin fond du brouillard de mon deuil, j’ai lancé un fil qui me permet de m’accrocher à la réalité, même à la traîne. J’ai une tâche à faire tous les jours, peu importe l’heure. Elle m’extrait, pendant le temps de ma traque, de toute douleur et toute pensée introspective (autre que des réflexions artistiques). Je suis encore loin de savoir à quel point l’idée est bonne.