Tempérance, jour 74 – 29 décembre 2019

Silhouette (lui)
Silhouette (elle)
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Souvent, en hiver, je guette l’heure des ombres dans la rue d’en face. Les passants qui y défilent se transforment en silhouettes lumineuses comme en ombres chinoises. Ils glissent sur la pente des rêves et m’entraînent. Les ombres s’étirent, je tombe à la renverse et les traverse. J’entraperçois un ailleurs, inexistant, et pourtant bien visible.

Chaque année je me dis que j’en ferai une série puis j’oublie. Motivé par la contrainte de la photo quotidienne, l’idée reste dans un coin de ma tête. Je la garde comme une cartouche en réserve. Mais je passe beaucoup de temps à St-Hippolyte, ce qui réduit la fenêtre de tir. Un jour enfin, les conditions sont réunies. Je suis au village, au bon moment, motivé, il fait soleil, il y a des passants. Je fais une série correcte. Il faudrait que je me poste plusieurs jours d’affilée pour vraiment dégager de la matière mais j’obtiens quand même 3 photos satisfaisantes : Un cycliste inconnu, de dos, et deux villageois de profil, à pied.

Au début je choisis le vététiste. J’ai des scrupules à exposer les villageois même s’ils sont peu reconnaissables. C’est lié à toute une réflexion que je mène sur l’air du temps, l’hubris et la pudeur, j’en reparlerai bientôt. Disons simplement que je n’avais pas prévu de montrer de visage ou d’individu identifiable. Et des images sans figure ça aurait pu avoir de la gueule ! Le climat étrange qui transpire dans mes publications, au cours des premières semaines, me le confirme. Tout semble flotter légèrement et l’humain crève l’écran par son absence.

Puis je réalise que j’ai montré mon mari, que je vais montrer Annie sous peu, comme j’en montrerai d’autres ensuite, et que je me montrerai aussi (ce qui était vraiment la chose la moins désirée, mais on n’échappe pas à l’autoportrait quand on cherche des sujets !). Je me répète que je n’ai pas à suivre de règle absolue autre que la photo journalière, puisque Tempérance n’est pas une série. Après un très long débat interne, je me décide à demander l’autorisation aux voisins, leur réponse décidera pour moi.

J’avais publié le vététiste au cas où ils refuseraient. Comme ils acceptent et comme leurs silhouettes forment un diptyque, je me retrouve à tout montrer. Le jour 74 est donc la deuxième dérogation à Tempérance.

Silhouette (le vétété)

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