Tempérance, jour 33 – 18 novembre 2019

Les jours
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Après quelques temps, l’expérience décante et se révèle. Je peux à présent faire des réglages fins dans la contrainte. Je peux fixer des règles réalistes qui me permettront de travailler et progresser sans ennui, tout en pouvant honorer ce pacte qui me lie à moi-même : tenir un an.

Les règles de Tempérance :

  1. Une bonne photo par jour maximum. (Si possible, j’évite de faire trop de clichés et/ou je jette le reste. Le naturalisme, les photos de famille et mes séries de photos en cours ne sont pas concernés.)
  2. L’image peut faire partie d’une série ou d’un travail en cours. C’est mieux si elle est indépendante.
  3. Au moins une photo par jour.
  4. La journée va du réveil au coucher et pas de minuit à minuit.
  5. Éviter les répétitions d’un jour sur l’autre (de lieu, sujet, technique…) mais il peut y avoir des correspondances ou des photos qui se parlent.

Tout le reste est libre ou seulement conseillé. C’est l’opportunité d’explorer tout ce que je n’ai pas encore exploré, d’approfondir ce que je fais déjà. Il n’y a aucune contrainte d’unité de format (horizontal, vertical, carré, 5:4, panoramique…)., ni de couleur ou noir et blanc, ni de réglage ou technique particuliers (flou, surimpression, sous-exposition, lumière naturelle, flash…).

Le choix de l’objectif est libre, mais je veux tenter de me rapprocher d’une ou deux focales de prédilection. Ça me préparera au jour où j’aurai des focales fixes. Je travaille encore au zoom et je sens que ça me limite. J’utiliserai Tempérance pour me décider.

J’essaye déjà de prendre ce que je peux voir ou faire ressurgir de légèrement étrange dans mon environnement courant, sans avoir à voyager ou faire de mise en scène (avec lesquelles je suis mal à l’aise). Il faut que ce rapport au réel et à l’instantané reste ma préoccupation principale. J’ai encore des progrès techniques à faire pour saisir au vol. D’un autre côté, j’ai aussi toutes les raisons de faire feu de tout bois. Surtout si c’est un baroud d’honneur avant de m’enfermer dans des séries ou des techniques plus précises.

En dehors des 5 points principaux, rien n’est interdit mais des inclinations sont déjà prises.

Tempérance, jour 29 – 14 novembre 2019

Crépuscule
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Le revers de la médaille.

Je pensais que la contrainte était de ne faire qu’une photo par jour. Or, la contrainte est de devoir faire une photo par jour. Par la règle, le maximum est aussi un minimum !

Habituellement, si ça me chante, je peux sortir faire six cent photos, comme je peux laisser l’appareil dormir une semaine (c’est rare, mais cela arrive !). J’admets qu’être contraint à trouver de la matière, même pour un seul jour, est un vrai travail, et donc un enrichissement. Depuis 10 ans de pratique photographique plus sérieuse, mais toujours empirique, je me suis vu franchir plusieurs paliers. Tour à tour mon regard, mes idées, ma technique et mes penchants évoluent, les uns nourrissant les autres. Je perçois toujours des limites et des écueils, je fais même encore des erreurs de débutant, mais au travers de Tempérance, je sens que je progresse plus vite et je pressens que je vais progresser comme jamais. J’espère ne pas me tromper mais je pourrais enfin passer ce cap majeur que je cherche à franchir depuis longtemps. Celui qui mène à un niveau supérieur dans sa pratique artistique, quelle qu’elle soit. Et enfin peut-être aborder les rives d’un autre univers.

Le revers de la médaille, c’est son bon côté.

Tempérance, jour 26 – 11 novembre 2019

Correspondances
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Tous les jours je fais des photos et, chemin faisant, tous les jours je pense aux photos. Je pense à l’acte de photographier, je pense au sens de mes images, à ce que je veux faire, dire, voir et faire voir. Je ne me pense pas comme un photographe mais je suis bien questionné par ce que je produis. Progressivement, je réalise que je fais un véritable travail. Un travail concret, artistique et intellectuel, à travers ce média. En filigrane, un travail sur moi-même.

Tempérance, jour 23 – 8 novembre 2019

Passages (Adieu 20 ans)
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J’ai revu la photo de papa en déchargeant ma carte mémoire. Quel choc. Je fais pourtant partie de ceux qui veulent voir les morts, ça ne me dégoûte pas. La mort me semble plus réelle, le deuil plus facile. L’image du cadavre ne recouvre pas l’image du vivant, ce sont deux états différents. Mais devant cette photo, mon estomac se serre et mon cœur se soulève. Pourtant, j’ai touché et embrassé ce corps… Je dois admettre que j’étais comme un autre les quelques jours entre le décès et l’inhumation.

J’étais porté par les tâches à accomplir avec mes frères et ma mère. Toutes les visites de voisins et de villageois inconnus à qui je voulais répondre aussi affablement que possible. Toute la famille qui est venue. Tous les amis qui se sont manifestés. Quelqu’un m’a carrément dit que j’étais rayonnant lors de l’enterrement ! J’ai visiblement plané dans une autre réalité grâce à quelques endorphines dont notre corps a le secret.

Maintenant, je pleure devant l’image de ce corps qui n’est pas une pipe, qui n’est pas mon père, mon père qui a cassé sa pipe… et je sais, je sais que je ne montrerai pas cette photo !

Tempérance, jour 20 – 5 novembre 2019

Bleu profond
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Je ne souffre pas tant que ça de la mort de mon père. Je répète à qui s’inquiète de mon sort que ça va, que presque tous les autres scénarios étaient pires pour lui et pires pour nous. Que j’ai pu solder nos comptes moraux et affectifs peu avant son décès.

Je crois avoir de la chance, je le dis. Mais si j’ai peu pleuré, je suis bien prisonnier d’un brouillard tenace. Si on me demande ce que j’ai fait la veille, impossible de m’en souvenir. Je sais globalement où j’étais, sans que rien ne soit défini, rien sauf les photos. Cette expérience devient un repère, bientôt un travail. Des pilotis pour naviguer à vue sur une déroutante lagune.

Tempérance, jour 19 – 4 novembre 2019

Arc-en-ciel
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– L’anecdote du jour –

Ce n’est pas un, mais trois moments d’arcs-en-ciel auxquels j’ai droit ce jour-là : matin, midi et après-midi ! Et par chance, je suis là pour les admirer. De l’éblouissement après quelques jours de grisaille et de virées trop nocturnes (ou de l’éclablouissement, comme je le dis parfois des effets de lumières puissants – un terme pas très beau, mais tellement vrai !). Pas la peine de me demander quel sera le sujet du jour.

Cet après-midi là

J’ai choisi celui du matin, le plus saisissant même s’il est incomplet. Quel contraste à l’ouverture des rideaux ! Nu face aux éléments (et peut-être à la voisine), je suis violemment ému et stimulé par le concentré de sensations dans la rétine. Une petite renaissance dans cette période douloureuse. Je n’hésite pas à saisir l’appareil photo. Je n’oublie pas de contempler aussi.