Tempérance, jour 60 – 15 décembre 2019

Rayons
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Je vais avoir beaucoup d’atermoiements durant cette expérience. J’ai envie de faire de bonnes photos chaque jour (avec l’espoir secret de quelques photos géniales). Rapidement se pose la question de les montrer, afin de ne pas reproduire toutes les erreurs d’Amplitude.

Si je faisais une exposition, je ferais un travail où je ne garde que les photos pertinentes. Ça ne peut pas être le cas ici. Dans le lot, il y aura des choses que je vais trouver mauvaises, inaccomplies, techniquement faibles ou sans profondeur… Il me faudra donc accepter de montrer de mauvaises photos car je ne me vois pas faire un tri pour montrer une sorte de best of… Ça n’a pas vraiment de sens avec cette expérience. D’un autre côté, exposer l’intégralité des 367 photos serait d’un rébarbatif !.. Sans parler du coût et de la salle nécessaire, même en faisant des panneaux de cartes postales. Je pourrais peut-être exposer des tablettes dans une galerie, 12 tablettes de 30 images chacune ? Mais c’est un peu comme des photos physiques, ça reste trop d’images et de l’ennui à la clef.

Ça me rappelle enfant, les amis et les proches qui se prenaient pour des aventuriers alors qu’ils n’étaient que des touristes, et nous infligeaient des diaporamas parfois affligeants, toujours interminables. C’était aussi nul que ce que l’on trouve sur les réseaux sociaux, mais sans la possibilité de zapper ! J’ai quelques souvenirs d’épais malaise social, à ne pouvoir ni s’échapper ni proclamer notre ennui, et je ne veux infliger le dixième de ça à quiconque !

C’est à ce stade que je commence à penser à un site web, tout simplement. Depuis le temps que j’envisage de me faire un petit site perso, pourquoi pas commencer par Tempérance? Je n’ai pas plus envie de montrer de mauvaises photos sur le web qu’en expo mais le support permet peut-être une certaine indulgence ?

Le léger vertige du trac s’installe à l’idée de me montrer sans fard. Je pourrais faire des expos à coups de photos soigneusement sélectionnées – sur mon 31 en somme – mais non, il faut que je me montre au saut du lit, pas frais, avec tous mes doutes et mes errements.

Je suis sûr de ne pas avoir envie de repartager la déception d’Amplitude mais je ne suis pas à l’aise.L’envie de partager finira-t-elle par gagner ? Vous le savez si vous lisez ces lignes. Et quand j’ai un petit vertige en prenant mes clichés, à la simple idée qu’ils pourraient être vus, pitié !, que ça m’aide à me dépasser !

Tempérance, jour 57 – 12 décembre 2019

3 parapluies
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Mes interrogations se renvoient les unes aux autres. Je voudrais puiser dans le réel mais je ne veux pas verser dans l’autofiction ni le réalisme. Je voudrais des photos avec du sens mais je ne veux pas devenir lourdingue par la symbolique ni des jeux de mots visuels sans profondeur. Je ne crois pas tourner en rond. Je sens que ce n’est pas insoluble.

Est-ce que je veux toucher quelqu’un, quelque part ? Ce qui m’émeut ne touche peut-être que moi. Je peux lancer autant de bouteilles à la mer que je veux, je ne connaît pas le rivage où elles vont s’échouer ni qui va les ramasser. Ça fait partie du jeu, et c’est très bien ainsi. Je le sais depuis toujours mais qu’en faire ?

J’ai imaginé donner du sens grâce aux séries. C’est une possibilité, les photos se répondant les unes aux autres, augmentant leur lisibilité, mais ça peut aussi être un artifice masquant des photos faiblardes.

Je n’ai pourtant pas de grandes prétentions. Je ne cherche pas le chef-d’œuvre, ni à révolutionner quoique ce soit d’autre que moi-même. Je ne pense même pas faire un travail très exigeant quand je pense aux autres arts et aux autres photographes. Je voudrais juste, sincèrement et profondément, faire des photos dont je puisse être un peu satisfait. Des photos un peu personnelles en somme.

Tempérance, jour 54 – 9 décembre 2019

La Pythie vient en mangeant
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La Pythie vient en mangeant

Je crois l’interroger, c’est elle qui me questionne,
De cet air indécis propre aux statues atones.
Ses beaux yeux verts se figent lorsqu’elle me dévisage,
Passant à travers moi, semblant chercher présage.
Elle revêt le masque de la Pythie de Delphes,
Et l’expression sans âge de la Reine des Elfes.
Le souffle suspendu, que vois-tu donc Oracle,
Figeant ainsi ton geste à son parfait pinacle ?
Une vie de pacotille ou un destin de Roi,
Trouvé dans la coquille d’un ravioli chinois ?

Une pause s’impose

C’est à contrecœur que je dois faire une pause, pour toutes sortes de raisons techniques, pratiques et humaines. J’en profiterai pour m’organiser autrement et ne plus avoir à en faire. Elle durera au maximum jusqu’au 16 juin. Je reviendrai plus tôt si je peux, les 7 jours manquants seront de toutes façons publiés dans l’ordre et à leur date.
Puisqu’on parle de 7 jours, nous venons de passer les 1/7eme de Tempérance – déjà ! – et quand nous nous retrouverons, 1/6eme aura passé ! Merci aux assidu-e-s qui me suivent et me motivent à continuer.
Pour patienter, une image qui n’est pas une photo du jour mais qui est bien du 9 décembre.

En terrasse

Tempérance, jour 53 – 8 décembre 2019

L’arrivée du train en gare de Nîmes
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Qu’est-ce que je veux dire avec mes photos ?

Je me pose beaucoup la question. Je sais que ce n’est pas la bonne question, ou qu’elle est mal posée, mais je dois m’en poser une, qui permette une réponse et qui ne soit pas « À quoi bon ? ».

J’aime des lumières particulières, des photos souvent sous-exposées, des contre-jours, des brumes, des ombres. Je sais que la lumière est souvent mon seul sujet. En peinture comme en photographie, la lumière est tout, mais elle l’est souvent par le biais d’un support. La lumière au travers des pétales d’une fleur. La lumière modelant un visage. La lumière découpant le contours d’un corps nu. Moi, je ne vois parfois que la lumière. C’est l’émotion pure et primale qui me renvoie à l’enfance, quand je fabriquais mes chambres obscures et mes longue-vues, quand j’allais au cinéma avec mon bon copain, quand je regardais dans la visionneuse 3d… Tout ce qui vient à rebours, les éclats sur la mer, les phares de nuit dans les rideaux, toutes les projections. On dit que l’enfance c’est l’éternité, j’y ai des lumières qui brillent pour toujours.

Tout ceci concours à me faire parfois pleurer, par la simple intensité des lumières dans l’objectif. La lumière m’excite l’œil au sens propre, et au-delà le cerveau, et mes sens se trouvent à vif. Mais pour tout l’amour que je porte à la lumière – et tout en adorant aussi le ciel gris, la pluie et l’orage – cela ne suffit pas. Qu’est-ce que je donne à voir si je décide de montrer ?

Qu’est-ce que je veux dire avec ces photos ?

Tempérance, jour 52 – 7 décembre 2019

Monolithe

Avertissement : Je suis déçu du rendu de cette image sur le web. Elle est légèrement dégradée et floue. Ça semble venir de mon module d’affichage des photos. Ce n’est pas la première image où je le remarque mais sur celle-ci, c’est particulièrement fort. Vous pouvez tenter un clic droit et « afficher l’image », c’est mieux mais pas encore l’idéal. J’espère régler ça rapidement. Je signalerai les images à revenir voir quand ça sera fait.

Tempérance, jour 50 – 5 décembre 2019

Lunaire
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Avec le décès de Papa, la vie ordinaire est suspendue. Nous campons dans deux maisons, en vivant au jour le jour. Pas très pratique pour trier ou retoucher les photos. Maman est souvent chez mon deuxième frère, et nous occupons la maison pour garder les chats. Nous évacuons le décès en nettoyant et en réparant un peu la maison de Papa. Nous redécouvrons aussi la région de mon enfance.

J’accumule les clichés avant de pouvoir m’installer pour trier. Il faut avoir la tête à ça. Le rendu des couleurs sur l’écran de nos portables est médiocre, il faut faire suivre un écran professionnel, il manque toujours un câble, une connexion. Je fais avec.

C’est quand même une période qui nous rapproche avec mon amour. Outre le partage du deuil, des préoccupations matérielles, du ménage et des réparations dans la maison, nous partageons les sorties, les rencontres et les photos. Nous faisons la photo du jour ensemble, il me signale même des choses intéressantes à observer. Le soir, nous regardons le dossier du jour, faisant parfois la sélection ensemble. Ça lui a fait du bien aussi, je crois, au moins au début.

Nous reprendrons un peu d’indépendance au fur et à mesure des semaines qui passent. Je lui montrerai moins systématiquement les photos, j’écrirai plus et parlerai moins – ce qui ne sera pas pour lui déplaire, je pense l’avoir saoulé avec mes préoccupations artistiques – nous glisserons à nouveau vers notre vie ordinaire sans qu’il soit jamais très loin de ma photo du jour.

L’air de rien, il y a toute notre vie dans ces photos.